definition of rebore

Il y a 3 types de grimpeurs : ceux qui placent les broches à glace dans d’anciens trous de broches, ceux qui sont contre cette pratique, et ceux qui le font uniquement lorsque c’est absolument nécessaire. Je fais partie du 3ème type. Je grimpe sur la glace depuis plus de vingt-cinq ans et j’ai placé des broches dans des trous déjà brochés seulement deux fois au total. La première fois, c’était il y a seulement quelques années. Il s’agissait d’une voie célèbre dans les Rocheuses canadiennes, avec une couche de glace fine et trouée comme un gruyère. Je n’avais pas eu d’autre choix que de rebrocher dans l’un des nombreux trous existants et croiser les doigts. La deuxième fois, il y a bien longtemps alors que j’étais un néophyte absolu en matière d’escalade sur glace, j’étais dans une voie qui était trop ardue pour moi, pompé jusqu’au cerveau, et en quête d’au moins un ancrage pour pouvoir poursuivre psychologiquement vers le haut. J’avais besoin d’utiliser le moins d’énergie possible, de sorte que j’insérais rapidement ma broche à glace dans le trou pré-existant et là encore, je croisais les doigts. Dans les deux cas, cela a marché car je n’ai finalement PAS pris de vol. Mais est-ce-que cela aurait tenu ? Je l’espère.

De nombreux débats existent, certains officiels, d’autres officieux, quant à savoir si ces trous de broches réutilisés sont aussi résistants que les trous brochés pour la première fois, ou « moins résistants. » Dans une étude très approfondie sur le sujet (et sur d’autres sujets intéressants) menée par Stephen Attaway et Marc Beverly, l’un de mes collègues - un guide, scientifique éclairé et compagnon de cordée sur la glace. Si vous souhaitez en savoir davantage, vous pouvez consulter :

Ice Climbing Anchor Strength: An In-Depth Analysis

Les points clés à retenir concernant le rebrochage de trous préexistants sont dans les conclusions :

·        1) Sur la base de la variabilité de la résistance de l’ancrage observée dans nos résultats de tests, nous devons accepter l’hypothèse zéro selon laquelle les trous rebrochés ne résistent pas à une chute de facteur UIAA SYSTÉMATIQUEMENTIls sont cependant plus résistants que prévu et leurs performances se rapprochent de celles d’une broche placée dans une glace intacte.

2) Les trous rebrochés sont presque aussi résistants que s’ils venaient d’être fraîchement creusés. Il est probable que tout processus de refroidissement qui réduirait potentiellement le diamètre du trou au fil du temps est un avantage dans le cas d’un trou rebroché.

C’est une bonne information mais je ne veux pas aller trop en détails dans leurs résultats - vous pouvez lire l’article. Je voudrais plutôt discuter d’un développement de l’équipement qui a eu lieu depuis cette étude : les broches à glace en aluminium. Cette étude a été menée en 2008, en utilisant différentes marques de broches à glace en acier, parce que c’était ce qui était disponible à l’époque sur le marché. Les mêmes broches étaient réinsérées dans les trous pré-existants créés par cette marque de broches. Cependant, depuis, plusieurs sociétés ont sorti des broches à glace en alu.

BROCHES À GLACE DE DIFFÉRENTS DIAMÈTRES

Je ne souhaite pas faire ici de leçon en physique et résistance des matériaux a) c’est compliqué et b) j’ai appris cela il y a 30 ans en école d'ingénieur donc cela date… Mais pour faire court :

·        - L’acier est plus robuste que l’aluminium – compris.
- L’aluminium est plus léger que l’acier – ok.
- Concernant les cylindres ou les tubes, si l’on réduit la résistance du matériau (par exemple, en utilisant de l’aluminium au lieu de l’acier), il faut augmenter le diamètre du tube afin de maintenir le niveau de résistance.

bending stress formula

stress formula

De quoi parle-t-on ici exactement ? Afin de pouvoir répondre aux exigences de résistance requises - les broches à glace en aluminium ont un diamètre plus large que les broches à glace en acier.

Quelques mesures non officielles de diamètres (mesurées à la pointe) :

table of test samples

OUI MAIS QUELLE IMPORTANCE ?

C’est important pour la raison suivante :  si l’on utilise des broches en acier, et que l’on utilise un trou préexistant creusé par une broche de plus gros diamètre (c’est-à-dire en aluminium), les résistances obtenues ne seront très certainement pas les mêmes que celles présentées dans l’étude ci-dessus. Dans les cas extrêmes, par exemple lorsque l’on pose une broche sur un surplomb, on peut raisonnablement penser que la broche peut être éjectée !

Mais bon, heureusement dans la plupart des cas, c’est clairement évident. Une broche en acier dans un trou d’aluminium, c’est plutôt bancal - et heureusement vous le remarquez facilement en testant votre placement. Facile à remarquer quand on insère une broche acier dans un trou d’alu préexistant : on rencontre très peu de résistance.

TESTS

Le test de broche à glace est lent et les résultats varient grandement. Bravo à Marc et Stephen pour avoir consacré autant de temps à l’étude détaillée présentée dans l’article ci-dessus. Cela représente une importante somme de travail.

À notre manière, c’est-à-dire informelle et sans nous prendre au sérieux, nous sommes allés au labo Qualité pour réaliser quelques tests rapides et déterminer s’il y avait une réelle différence de résistance maximale lorsque l’on utilise un trou de broche préexistant avec un diamètre différent. Ces données sont à prendre avec des pincettes car nous parlons ici de n=1. Comme UN point de donnée. De manière générale, c’est statistiquement peu pertinent mais c’est toujours amusant en quelque sorte de casser des broches à glace dans la glace.

Cela vaut également la peine de noter que de nos jours c’est devenu la norme de placer des broches selon un angle positif (c’est-à-dire sans effet de levier). Ceci a été étudié en profondeur par Chris Harmston de BD il y a quelques années :

Ice Screw Placement

L’article de Stephen et Marc le mentionne également :

Il est bien entendu que le placement d’une broche à glace, qu’il s’agisse de sollicitation dynamique ou de test lent à la traction, produit les résultats les plus performants lorsqu’elle n’est PAS placée selon un angle négatif (c’est-à-dire lorsqu’il y a effet de levier). Donc l’angle idéal se situe quelque part entre 0° et +20°, ce qui était notre fourchette cible pour les tests de trous préexistants.

load test clairification

Je mentionne cela ici car en regardant les vidéos de tests en labo, l’angle de placement semble être situé à l’opposé. C’est parce que le sens de la sollicitation dans la machine est VERS LE HAUT. Logique ?

Remarque : L’exigence CE pour les tests de broches est de 10kN

A la fin de cette journée, sachant que les broches doivent répondre à une exigence de 10kN pour l’homologation CE, lors des tests ci-dessus où nous avons rebroché en utilisant la même broche, les résultats n’ont pas dépassé 10kN. Cependant, lorsque nous avons utilisé une broche de diamètre inférieure (broche acier) dans un trou de broche de plus large diamètre (trou de broche alu), nous avons obtenu un placement douteux et et une broche éjectée à des charges réduites (bien moins que 10 kN).

Il est important de noter ici que les tests ont été effectués dans une excellente glace de laboratoire - difficile de faire mieux. La résistance de la plupart des placements de broches à glace est directement liée à la qualité de la glace.

SUR LE TERRAIN

Comme mentionné précédemment, rappelons que dans ces exemples de tests, lorsque nous rebrochons une broche en acier dans un trou d’aluminium, nous le faisons immédiatement l’une après l’autre. Cela signifie : pas de temps de regel. Nous plaçons une broche en aluminium, la débrochons puis rebrochons juste après une broche en acier.

Les choses ne seraient probablement pas évidentes à ce point si nous laissions le trou regeler un peu pendant un jour ou deux puis si nous replacions une broche acier dans ce même trou.

CONCLUSIONS

Nos tests à un point de donnée en laboratoire prouvent que le brochage d’une broche de même diamètre dans un trou préexistant, qu’il s’agisse d’acier ou d’aluminium, provoque l’éjection du placement à plus de 10kN, alors que le brochage d’une broche acier de plus petit diamètre provoque l’éjection de la broche à des charges considérablement plus réduites. (<10kN)

Ces tests montrent clairement que le placement d’une broche acier dans un trou FRAIS préalablement creusé par une broche aluminium était peu fiable et devrait être évité. Les trous étant autorisés à un très léger regel, la différence de résistance entre diamètres peut paraître moins évidente, et fait augmenter le risque de ne pas repérer un placement suspect.

Intuitivement, le placement d’une broche en aluminium (de diamètre plus large) dans un trou de broche en acier préexistant (de diamiètre plus petit) offre une résistance probablement très proche d’un brochage en glace fraîche - bien que cela n’ait pas été testé.

ULTIME REMARQUE

Sachez que nombreux sont les grimpeurs, alpinistes qui utilisent maintenant des broches à glace en aluminium et gardez en tête la probabilité et les risques liés au rebrochage d’une broche acier de plus petit diamètre dans un trou de broche alu préexistant.

Soyez prudents en montagne, et souvenez-vous que, sur la glace, le grimpeur en tête ne doit pas dévisser.

KP