
LE CLASSIQUE DU SUD-OUEST
L’athlète BD Joe Grant : une aventure épique de 400 miles dans les montagnes San...
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Le 23 décembre 2023, je me suis garé sur le parking de Camp 4 et j’ai ouvert le hayon de mon van. J’ai empilé par terre tout ce dont j’aurais besoin pour la journée : chaussons, magnésie, eau, bouffe, crash pads, appareil photo, échelle, ventilateur et brosse télescopique. Un vrai inventaire à la Prévert qui ferait sourire même les grimpeurs de big wall les plus aguerris. Heureusement, je n’allais pas bien loin, et surtout pas vers le haut. Juste quelques centaines de mètres dans les bois, jusqu’au pied d’un bloc de 4,5 mètres, posé juste à côté du Trail Valley Loop. C’était mon projet du moment.
Je me suis échauffé tranquillement, prêt à retrouver les sensations de mon corps. Qu’est-ce que ça me fait, ce cristal, quand il accroche ma peau aujourd’hui ? Est-ce qu’il me résiste, ou bien il glisse, il bouge ? Et cette tension dans tout le corps, elle est là ? Qu’est-ce qui manque ? Est-ce que je transpire déjà ? Je m’accroche à ce qui va bien, je garde le positif et je laisse filer le reste. Rien de nouveau dans ce rituel.
Premier essai depuis le bas, pas prêt à tirer sur la réglette. Deuxième essai, j’atteins le milieu, mais le pied décroche. Troisième tentative, tout s’aligne parfaitement, puis gros zip sur la réglette mordante. Retour sur les crash pads, à regarder le bloc au-dessus. Mais qu’est-ce que je fous là ? Pourquoi je fais ça ?
Nos motivations ne viennent que rarement de nous-mêmes. Même dans les meilleures conditions, quand cette flamme intérieure s’allume, c’est souvent une étincelle venue d’ailleurs qui l’a déclenchée, puis un récit – intérieur ou extérieur – qui l’alimente. Quelles histoires tu te racontes pour continuer à avancer, jour après jour ?
À Yosemite, c’était toujours simple : les histoires ne manquent jamais. Mais la plupart parlent de big walls et d’efforts surhumains, des aventures qui marquent par l’ampleur du défi. Trouver un récit sur El Cap, c’est facile—rien que s’en approcher, c’est déjà toute une histoire. Mais qu’en est-il, là, sous l’ombre des arbres, tout au fond de la vallée ?
Je reconnais à quel point c’est fou : plus de 20 ans et des milliers de jours passés dans la Vallée, sans grimper plus haut qu’une petite maison. Mais voilà, c’est mon histoire, ma motivation, et ma conclusion. Bienvenue du côté obscur.
—Carlo Traversi